Envole toi loin de cette fatalité qui colle à ta peau
Perché sur le toit je t'écris cette lettre même si je sais que tu ne la recevra jamais. J'espère juste idiotement au fond de moi que tu es toujours en vie, quelque part. Quitter la Corée du Sud a été difficile pour moi. Qui sait, peut être que toi aussi par miracle un jour, tu franchiras les portes de cet institut, de ce masque qu'on nous oblige à porter dans cet Amérique folle. Si tu savais comme ils sont tordus là bas. Ils ont peur de nous, des êtres supérieurs que nous sommes. Ils ont même élus un président qui appelle à la haine. Des mutants meurent des mains des américains à cause de cette peur inutile qui coulent dans leurs veines. Plusieurs fois j'ai été tenté de m'envoler au pays, avant de me rappeler qu'il n'y a plus rien là bas qui m'attend.
Ils sont tous partis, envolés. Il n'y plus que toi, j'espère, je crois. Naïvement sans doute qu'un jour on se promènera encore ensemble tous les deux parmi les oiseaux. Tu leur parles si bien, qu'ils t'écoutes. Voler dans l'immensité bleu du ciel avec eux me manque car je sais que tu m'attends au sol ensuite. Mais même si tu reviens plus rien ne sera comme avant. Ici, on ne peut pas utiliser nos pouvoirs à notre guise pour notre sécurité. C'est pour ça aussi que je ne voulais pas suivre cet individu, cet homme qui s'était invité chez moi alors que j'étais peinard. J'aime ma tranquillité, ça n'a pas changé.
Tu te souviens lorsque nos parents me coupait mes ailes ? La première fois qu'ils étaient apparus on jouaient à chat dans le jardin et comme tu étais plus rapide que moi, je m'étais imaginer voler pour te rattraper rapidement. D'un coup, je m'étais littéralement mis à voler, mes pieds ne touchaient plus le sol. J'étais cependant incapable de contrôler où j'allai ni à me maintenir dans une position normale. Tu t'étais mis à rire, alertant père et mère, qui étaient resté choqués sur le pas de la porte-fenêtre en me voyant ainsi. Pourquoi étaient ils choqués alors qu'ils étaient eux-même des mutants ? Surement car contrairement à eux deux je ne me transformait pas en oiseau totalement ou j'étais incapable d'écouter le vent. J'avais simplement une petite paire d'ailes aussi blanche que la neige, semblable à celles des anges que l'on voyait en images.
Mère m'avait expliqué ce qui m'arrivait, en même temps que père faisait de même de son côté avec toi. Pour ne pas qu'on ait peur. Mais moi je n'étais pas effrayé. J'étais bien assez grand - j'avais 9 ans tout de même - pour avoir saisi que j'avais le gêne X. Celui dont les journalistes parlaient à la télévision lorsque j'écoutais en cachette. Notre pays ne haïssait ni n'adulait les mutants. Le gouvernement faisait en sorte que nous soyons intégré à la société. La "seule" chose différente c'était que nous étions dispensé du service militaire. Ce qui était tant mieux car je n'avais pas vraiment envie de passer quelques années entourés d'hommes remplis de testostérones. Apprendre que j'avais un don, était donc une bonne nouvelle, du moins au début. Si au départ j'avais pu m'amuser à m’entraîner à voler dans le jardin sous ta surveillance - plutôt tes rires d'ailleurs - rapidement, des événements horribles étaient arrivés dans tout le pays. Des enfants mutants disparaissaient, enlevés sans laisser aucune trace. La peur avait gagné les parents qui calfeutrait chez eux leurs progénitures possédant le gène X. J'en faisais partie mais me garder à l'intérieur de la maison ne suffisait pas pour nos parents. Je savais que c'était après une discussion difficile qu'ils avaient décidé de me couper les ailes. Je me souvenais encore de la douleur horrible que j'avais ressenti lorsque le couteau de cuisine avait fait le travail. De la main sur ma bouche pour amoindrir mes cris. Les larmes qui avaient coulés sur mes joues avant de sombrer dans l'inconscience.
Tu sais, j'étais un peu jaloux de toi d'avoir ce don camouflé. Il était venu naturellement, comme nous étions séparés, je t’avais observé de la fenêtre qui donnait sur le jardin. C'était étrange car tu étais entouré de pleins d'oiseaux, comme si ils comprenaient ce que tu leur racontait. Tu avais fini par cracher le morceau, annonçant que tu avais aussi un don. Ce n'était pas vraiment un pouvoir que l'on pouvait t'arracher - à moins de te scotcher la bouche. Père et mère t'avais donc autorisé à continuer de sortir et d'aller à l'école.
Tu t'en étais servis pour me faire passer des lettres - leur donnant le grade de pigeons voyageurs - à travers la fenêtre de ma chambre qui était devenu une prison à mes yeux. Un endroit de souffrance mensuel. Terrifié lorsque le jour du couteau tombait car mes ailes repoussaient. Pendant quelques heures je me sentais entier, et retenait l'envie d'ouvrir ma fenêtre pour aller voler. A la place je le faisais dans ma chambre, prenant garde de ne pas me cogner au plafond ou de casser quelque chose. Tu m'avais suggéré dans une de tes lettres d'essayer de les faire disparaître. L'idée m'avait parut saugrenue, est ce que les oiseaux pouvaient le faire ? Avant de me souvenir que j'en étais pas un. J'étais un ange, tombé du ciel. J'avais alors essayé, encore et encore pendant des mois, à chaque repousse. Durant la nuit, la réponse m'était alors venu. Je m'étais levé et avait ouvert mon armoire pour en sortir une petite boite à musique. Un rouge-gorge était peint sur le bois. Je déposai l'objet sur le meuble à côté du miroir et l'ouvrait, laissant la mélodie remplir la pièce. C'était l'un de tes cadeaux que tu m'avais offert, je l'ai d'ailleurs encore aujourd'hui avec moi. Je me focalisais sur le son, ne pensant pas à l'endroit. Je respirais calmement, et laissait échapper quelques secondes après un gémissement de douleur. J'avais l'impression qu'on m'enfonçait quelque chose au niveaux des omoplates. Toujours de plus en plus profondément. Jusqu'à ce que tout s'arrête. J'ouvrais les yeux, tombant sur mon reflet dont aucune plume ne dépassait. Je tournai le dos, et un sourire victorieux venait étirer mes lèvres en voyant qu'il n'y avait plus rien. Juste deux petites fentes semblables à une plaie qui avait l'air de se refermer. Impatient, j'avais alors cogné de toutes mes forces sur la porte de ma chambre pour tous vous appelés.
- Omma, appa, Kyoji, j'ai réussi !
Quelques minutes après vous étiez dans ma chambre, et fièrement, je vous avais tourné le dos. Mère avait fondu en larmes dans les bras de père et toi, tu m'avais serré dans tes bras. Me soufflant que tu savais que j'allai y arriver.
Tu me connais, tu sais que j'ai toujours eu du mal avec ce qui se passait autour de moi. Si j'avais été heureux de pouvoir enfin sortir de ma chambre, je l'avais été beaucoup moins lorsque mère avait annoncé que je pouvais retourner à l'école. Cet endroit ne m'avait pas manqué. Trop de monde, trop d'idiots, trop de regards. Déjà petit, je ne me mélangeais pas, restant derrière toi. Fuyant lorsqu'un autre s'approchait de moi pour babiller ou pour discuter. Une angoisse étrange me prenait, m'obligeait à m'échapper de cette distance réduite. Le temps n'avait pas améliorer les choses. Tandis que les autres s'amusaient à shooter dans un ballon ou à taquiner les filles, je préférais être à la bibliothèque pour étudier. Je m'étais mis en tête de résoudre ce que j'appelais "les mystères de la vie". Je devais surement être le seul collégien à emprunter des bouquins de psychologue sur les relations sociales. De temps en temps je jetais un regard par la fenêtre, et je te voyais avec ton groupe d'ami. Tu avais tenté une fois de me présenter à eux et j'étais resté figé, immobile. Les scrutant simplement tu regard. Ravalant plutôt une remarque acerbe qui ne leur plairait surement pas, et à toi non plus. Ils avaient alors dit que j'étais bizarre. Tu les avaient réprimandés sur leur propos avant de t'excuser envers moi, d'avoir voulu m'imposer ça. J'avais voulu te demander de rester avec moi, mais tu avais déjà disparu avec tes amis.
J'étais un adolescent innocent, perdu, dans un dialecte de société que je ne saisissait pas. Lorsqu'une fille m'avait demandé si je voulais sortir avec elle, je pensais qu'elle voulait aller quelque part. J'avais alors appris plus tard qu'elle désirait en réalité être mon amoureuse. Mais qu'est ce que c'était que l'amour ? Je savais que c'était quelque chose qui existait entre mes parents, entre toi et moi, envers nous quatre. Un truc de famille en quelque sorte. Mais ça existait aussi ailleurs. Avec des personnes en dehors de notre cercle. Mais pourquoi est ce que j'aimerai une étrangère ? C'était bien trop compliqué comme émotion. Et je n'ai d'ailleurs toujours pas la réponse à cette énigme. Comment la résoudre à présent ? Maintenant que je suis coincé dans une école où la moyenne intellectuelle ne doit pas dépasser celle d'une huître. A part peut le professeur Xavier. Même si il faut peut être avoir un soucis neurologique pour avoir l'idée de rassembler au même endroit une race qui sera surement sujet à une destruction dans un futur proche.
Tu veux savoir comment j'ai atterrit sur ce lieu déplaisant ? Laisse moi d'abord t'exprimer un remord : celui d'avoir voulu sauver cet enfant. Les disparitions des jeunes mutants avaient baissés, presque disparus lorsque nous étions arrivés dans le monde des adultes et du travail. Naturellement tu étais devenu ornithologue tandis que moi...j'avais lâché les cours au moment où nos chemins se sont séparés. J'aurai pu te suivre, j'étais capable de m'adapter à tous les cursus - à part la boucherie. Finalement je m'étais fait repérer alors que je buvais un chocolat chaud dans le coin d'un café par un homme qui travaillait dans une agence de mannequin. Mon blanc minois avait dû lui plaire et comme les journées étaient un peu longue à t'attendre à l'appartement, j'avais accepté.
C'était lors de l'une de mes escapades avec toi, que le drame était arrivé. On avait entendu une petite explosion venant d'une ruelle non loin. Digne d'un film de mafieux, une voiture noire au vitre teinté était garé là. Deux hommes tenaient une petite fille - qui devait avoir même cinq ans. Une poubelle était en feu juste à côté, et c'était évident qu'elle l'avait fait en voulant s'échapper. Le lien avec les disparitions enfouis était rapide à faire. Je comptais appeler la police - c'était pas mon travail de venir en aide à une gosse - mais toi, toi tu avais voulu jouer les durs en t'interposant. Les menaçant de les faire disparaître si ils ne laissait pas l'enfant tranquille. Je m'étais retenu de rire, parce qu'avec ton pouvoir c'était un peu poussé. Eux aussi, ça les avaient fait rire. Ce qui n'était pas bon signe. Je m'étais alors mis devant toi, te protégeant avec mes ailes car avec le temps, elles avaient réussi à gagner en maturité et devenir plus solide. J'ignorais ce que comptait faire les deux hommes mais un soudain mal de crâne m'avait pris, tellement insupportable que j'en avais été plié en deux. J'étais le seul touché, car j'entendais ta voix m'appeler. Ta main sur mon épaule, des cris d'oiseaux et puis le silence. Mon atroce migraine avais disparu aussi vite qu'elle était venu et je rouvrais les yeux. Tombant sur les tiens, ouvert et vide. Éteint tout comme ta vie.
- Kyoji ! Non...non...reviens s'il te plait...me laisse pas...
Je sanglotais, te serrant contre moi, ne me préoccupant absolument pas des deux hommes qui t'avais sauvagement tuer. Surement aurais-je dû car la suite ne serait pas arriver. L'un d'entre eux avait voulu profiter de ma peine pour me neutraliser, s'approchant de moi. Une frisson étrange m'avait parcouru lorsqu'il avait posé ses mains sur moi. Mes ailes étaient devenus noires et des serres avaient pris la place de mes mains aux ongles tranchantes. Des pupilles rouges avaient fixé l'assassin, surpris. J'avais été la dernière chose qu'il avait vu. Son collègue avait subi le même sort. Tu me diras qu'ils l'avait bien mérité. Mais je ne contrôlais pas ce que je faisais et la petite, que tu avais essayé de sauver, avait aussi rendue l'âme. Je n'étais pas maître de moi-même ce jour là, mais je me souvenais de tout. Quand j'avais repris mon état normal, je n'étais plus dans la ruelle mais dans un coin d'une forêt. Tu étais aussi là. Allongé sur les feuilles mortes. Mortes comme ton âme. Je ne pouvais pas rentrer à la maison, annoncer à nos parents que tu étais mort. J'avais fermé tes paupières et avait pris ton corps contre moi avant de m'envoler. Tel un lâche, je t'avais déposé dans le jardin. Te disant adieu avant de repartir, laissant le vent effacer mes larmes. Tu étais mon frère. Mon jumeau. Je ne pouvais pas laisser ta disparition rester ainsi. J'avais donc fouillé, enquêter pour retrouver qui était à la tête de tes assassins. Je venais aussi souvent sur ta tombe déposer un bouquet de fleur, discuter avec toi avant de disparaître à nouveau.
Tu sais ce qui est le plus drôle Kyoji ? J'ai passé des mois sur cette affaire sans aucun résultat. Je me suis invité dans des réunions secrètes, fuyant lorsque je sentais un danger arriver. Mais il était toujours là, le monstre. J'avais laissé des traces sur mon passage. Mes accidents étaient même passés aux informations - sans que l'on sache que c'était moi.
J'étais perdu, je n'avais aucun repère. Je ne savais plus quoi faire. Je n'avais plus tes conseils pour m'aider. Seulement cette boîte à musique que j'étais parti récupérer en douce chez nos parents. Ils ont d'ailleurs déménagés je ne sais où depuis. J'avais alors passé mes jours enfermés dans notre appartement devenu miteux, alors que j'aurai pu continuer de l'entretenir ou même embaucher une femme de ménage en continuant ma carrière de mannequin. J'avais simplement envoyé un sms pour dire que je démissionnai.
A la place j'étais juste un petit facteur avec des cernes énormes et un teint encore plus blanc que d'habitude, qui livrait le courrier le matin - au moins je ne parlais à personne. Même pour faire signer les colis, je présentais simplement la machine. Puis je rentrais chez moi, ouvrant et fermant le frigo alors que je savais qu'il était désespérément vide. Est ce que c'était ça, se laisser mourir ?
Chose qu'on ne peut même pas faire dans son coin, surtout lorsque à 23 heures on vient toquer à votre porte. Heureusement que je dormais peu à cause des cauchemars que je faisais. L'idée que tu n'étais pas mort m'avais traversé l'esprit mais j'avais déjà ouvert la porte, avant de me dire que c'était ridicule. Un homme se trouvait en face de moi - au vu de sa tête ce n'était pas un asiatique. Il m'avait demandé dans sa langue si je parlais anglais.
- Je parle anglais et coréen, ce qui n'est visiblement pas votre cas
Le temps n'avait pas arrangé mon tact ni ma sociabilité. Ça avait semblé amusé l'américain, qui était parti s'asseoir sur notre canapé sans que je ne l'ai invité. Il m'avait alors parlé d'une école à l'autre bout du monde, qui aidait les personnes comme moi.
- Et vous étiez où quand des enfants se faisaient enlever ces dernières années ? A vous dorer la pilule sous le soleil californien ? J'avais serré les poings, gardant un visage de marbre malgré ma colère. Je devais rester pacifique pour contrôler la bête. Je n'avais pas envie de me mettre à dos une école de mutant parce que j'avais tué l'un de leur professeur. Ce dernier avait essayé de s'excuser en m'expliquant que malheureusement, ils ne pouvaient pas être partout. Qu'il y avait des problèmes avec les mutants partout dans le monde. Il était au courant pour toi, et m'avait sorti tout un monologue sur le deuil et d'autres choses que je n'avais pas écouté. Pourtant quelques minutes après j'avais fait ma valise avec le peu d'affaires que j'avais.
Cela fait une semaine que je suis arrivé et je dors toujours aussi mal. Je ne sais pas pourquoi on m'a fait venir ici ni ce qu'on attend de moi. Je suis en plus obligé de partager une chambre avec deux énergumènes.